INTRODUCTION ET PLAN
Écrire cet
épisode de mon parcours m’a pris du temps, car ce que j’ai vécu dans ce groupe
païen, en bien comme en mal, me marque toujours autant alors même que les faits
datent d’il y a plusieurs années. Il s’agit à la fois de ma première expérience
de rituels de groupe, ma première expérience d’un groupe spirituel, de rituels
élaborés (et même théâtraux) et de « signaux inquiétants » à propos
d’un groupe. Mon propos sera divisé en 3 parties : 1° des débuts
merveilleux, 2° un glissement assez rapide, vers le 3° une fin soudaine et
sombre. Chaque partie dure environ une année, moins pour la 3ème. Je
rappelle que mon but reste de raconter mon parcours, qui ne contient pas que
des bonnes rencontres. Il m’a semblé intéressant de décrire ce que je considère
comme un début d’engrenage, dont je suis sorti à temps, et de déconstruire une
pensée qui m’a été néfaste.
En 2016, je m’intéressais au
Paganisme, au Polythéisme, à l’Ésotérisme, depuis environ 8 ans. J’avais une
« théorie » assez développée, mais qui suivait ma tendance à partir
dans tous les sens, à m’intéresser à tous les Paganismes antiques et modernes,
dans une zone à peu près « euro-méditerranéenne ». Ma pratique était
encore jeune, solitaire, et je commençais seulement à ritualiser parfois en
pleine nature, en forêt et/ou des lieux mégalithiques 🌳. Je trouvais cela un peu
frustrant, et je sentais confusément que j’avais un peu de mal à avancer, qu’il
me fallait tenter des aventures. J’avais un peu discuté des pratiques de mes
ancêtres avec ma mère, mais sans plus.
LA RENCONTRE ; UNE 1ÈRE ANNÉE FABULEUSE
Mes échanges via Facebook devenaient
plus nombreux, intéressants, construits, et je fis partie de quelques groupes
d’échanges, des forums après la disparition de celui de l’Alliance Magique ;
je suis encore membre de certains. D’un point de vue pratique, je cherchais des
rencontres en Touraine, et fis rapidement connaissance avec un personnage à la
fois fascinant et dérangeant : je l’appellerai le PC pour « petit
chef », ce qu’il nous révéla finalement d’une façon fort décevante. 🤴
Doté d’un charisme indéniable, d’une
prestance que je suis bien en peine d’avoir, le PC ne cessait d’étaler une
culture générale certes très développée mais qu’il casait surtout très
à-propos, ayant toujours la petite citation qui va bien. Étant arrivé récemment
à un haut niveau d’études qu’il n’atteignit pas, je ne m’aperçus que tardivement
des incohérences du système philosophico-ésotérico-spirituel (de plus en plus
religieux) qu’il tentait de construire. Je dirais qu’il suivait la
« tendance René Guénon », dans une version païenne et moins
orientalisante, mais avec le même rejet d’une certaine modernité ; le
système de quelqu’un ayant fréquenté de nombreux groupes théoriques et
pratiques – dont la Franc-Maçonnerie – et s’imaginant pouvoir
fusionner tous les paganismes antiques et modernes, en mélangeant toutes les
écoles philosophiques et tous les mythes antiques sur une base à la fois
wiccane et jungienne. Rien qu’à l’exposer ainsi, les incohérences sautent aux
yeux, mais en 2016 je trouvais cela plein de sens… 😳
Après une première rencontre
passionnante dans un bar, je fus promptement invité à une célébration de
Beltaine 🔥. Elle fut extraordinaire, et j’y pense encore avec beaucoup d’émotion,
comme le furent les célébrations jusqu’au Beltaine suivant, soit techniquement
2 moitiés de Roue de l’Année ; mais il est vrai que Beltaine plutôt que
Samhain nous tenait lieu de célébration « maximale », ce qui n’était
pas pour me déplaire en tant que natif du 1er mai ! 😉 Les lieux
des célébrations étaient toujours bien choisis, confortables et/ou symboliques,
beaux dans tous les cas ; je me souviens notamment de superbes troglodytes
avec jardin clos. L’organisation du groupe était assez spontanée, faite de
multiples énergies additionnées (dont la mienne rapidement, avec enthousiasme)
mais plutôt masculines et avec une faible domination du PC.
Les célébrations étaient déjà
théâtralisées 🎭 :
costumes, maquillages, objets, parfois des éléments de décors ; des
dialogues, des silences, des bruits, mais l’aspect musical resta peu développé ;
des encens, des aliments et boissons ; de la purification, des vœux, et un
banquet final se prolongeant tard. Décrit ainsi, cela semble à la fois épuisant
et magnifique, un tourbillon des sens, des idées, des échanges ; c’est du
moins mon ressenti de cette première année. Nous ne fêtions que les fêtes
solaires de la Roue de l’Année, je n’ai aucun souvenir de fête lunaire, ce qui
aurait pu apporter un contrepoids « féminin » apaisant 🌜. Les fêtes
estivales de Litha, Lugnasad, Mabon parfois, étaient plus calmes, en
pique-nique au bord de la Loire ; nous étions plusieurs à connaître la
Touraine comme notre poche avec ses coins tranquilles. ⛺
Outre ces fêtes qui nous
réunissaient chaque mois et demi environ, il y avait la préparation des rituels
théâtraux (surtout pour Beltaine et Samhain) puis assez vite arrivèrent des
réunions et rencontres impromptues ; sans oublier les Cafés Païens ☕, une
organisation commune à plusieurs groupes païens français d’échanges autour d’un
verre – qui existe toujours – que nous avions rapidement décidé de consacrer chaque fois à un sujet
donné, généraliste pour que la discussion ne devienne pas trop pointue. Le
groupe était à l’époque très varié, très amical, réunissant des personnes de
tous âges y compris quelques enfants et adolescents, beaucoup de couples ;
peu de personnes âgées toutefois, et une présence plutôt masculine. Il va de
soi que les personnes ayant le plus de savoir et d’expérience en spiritualité
« menaient » les autres, et le PC avait de sérieux concurrents à ce
sujet. L’orientation était globalement païenne européenne sur base wiccane,
avec un côté philosophique assez poussé et un grand intérêt pour les traditions
locales, telles qu’exposées par van Gennep notamment. C’est ce groupe païen qui
me fit m’intéresser en profondeur aux pratiques magiques et païennes de la
branche bretonne de ma famille, ce pourquoi je les en remercie encore.
UNE ANNÉE DE GLISSEMENT...
Pendant la période de
« glissement » vers quelque chose de moins sain, des tendances se
révélèrent, qui étaient latentes dès le début du groupe, au moins un an avant
mon arrivée. Des figures masculines émergèrent autour du PC, dont l’influence
grandissante se heurtait à 2 couples d’amis. Cela forma une sorte de
« premier cercle », dont je fis vaguement partie quelques mois
– mais je ne fus pas invité à toutes les réunions et je compris rapidement
qu’on me mettait à l'écart – composé de 3 bons amis du PC qui se mirent
littéralement à son service pour le conseiller et le conforter dans ses sages
décisions ; cela leur causa d’ailleurs des ruptures amoureuses, c'est dire jusqu’où allait leur implication. Un des membres de ce cercle était
LGBT, sujet social peu abordé dans les discussions, moins que le féminisme que
le PC acceptait à-peu-près, et parfois moqué. Je ne suis pas moi-même un grand
militant de cette cause alors que je suis concerné, mais j’aime volontiers en
discuter, et je trouve que les Paganismes modernes sont une voie pour
réconcilier religion/spiritualité et LGBT. 🌈
Le premier clash important intervint à propos du festival que nous avions
décidé d’organiser à Beltaine, dont le PC et son premier cercle voulaient en
faire tout de suite un événement d’importance, alors que d’innombrables
festivals ont commencé avec très peu de moyens (Burning Man par exemple).
D’autres membres et moi, rappelions que Rome ne s’était pas faite en un jour
– le genre de citation que le PC aimait bien caser – que le côté
visuel et théâtral de nos cérémonies et du festival devenait trop poussé, trop
léché, donnant moins l’impression d’un rituel que d’un spectacle ; alors
que l’aspect sonore, olfactif, restait peu développé. Les artistes du groupe,
dont la compagne du PC et moi, préconisaient d’organiser des répétitions, ce
qui ne se fit que trop tardivement.
Dans les discussions houleuses qui
ont entouré ce premier festival, un couple de vieux amis du PC, qui était le « parrain
païen » d’une de leurs filles, partit avec fracas et fut dès le lendemain
accusé de tous les maux par lui. Jusqu’à la sortie du couple suivant, ce
premier couple fut accusé de nuire de toutes les façons possibles à propos de
n’importe quel problème qui survenait dans le groupe et dans la vie du PC.
J’appris plus tard qu’ils durent déménager plusieurs fois pour échapper à ses foudres…
Ce fut pareil pour le couple suivant, aussi de vieux amis du PC, qui sortit du
groupe quelques mois plus tard. Les discussions tournaient de plus en plus
autour du festival de Beltaine, de la pub qu’il fallait lui faire, d’y inviter
telle personnalité païenne que voulait le PC, qui insistait pour que tels
personnages soient dénudés… 🙄
Les demandes préalables avant les
cérémonies devenaient pesantes pendant cette année de glissement. S’il est
normal de demander que chacun-e apporte de quoi manger et boire, un vœu ou
prière à dire à tel moment, apporter un objet rituel, ou pour les volontaires
de participer au rituel, là tout devenait obligatoire et sous une forme bien
plus importante et précise. Il fallait apporter du sucré et du salé, si
possible de qualité voire bio, des boissons avec et sans alcool, faire
attention aux différents régimes ; il fallait préparer un vœu à tel moment
précis, une prière à tel autre moment du rituel, une confession devant tout le
monde pour Yule, un poème pendant le banquet (on ne pouvait pas manger
tranquille) ; la participation au rituel devenait obligatoire même en
théâtral, il fallait bien s’habiller, avec des tenues pour les « célébrants »,
des costumes et maquillages élaborés en théâtral ; prévoir des cadeaux, des
sous si la salle ou le terrain étaient loués, des offrandes comme-ci mais pas
comme-ça, des concours de décos symboliques (je vous jure !) ; sans
parler des briefings interminables avant et après, les retardataires qui se font
engueuler (on a une vie à côté de la spiritualité), personne ne peut repartir
en avance même fatigué ou malade, prévoir de coucher/camper sur place… Il m’est
arrivé de me trimballer plusieurs kilos d’affaires ! Pour un festival je
veux bien, mais pas à chaque fête de la Roue de l’Année… 😥
Le premier couple parti avait
reproché au PC de faire des rituels de plus en plus sombres, et je dois avouer
avec recul qu’ils avaient raison ; il les
fit passer pour des idiots qui craignaient les Esprits… 👻 Je n’ai rien contre les
puissances chthoniennes ni les rituels dans des caves, mais cela devenait trop récurrent.
J’ai invité ma mère à 2 fêtes pendant cette période, et si elle trouvait
l’ambiance sympa à la 1ère, elle me dit franchement que l’influence
du PC devenait pénible à la 2ème et qu’il s’entourait d’une petite
cour peu intéressante. Je continuais à organiser des Cafés Païens thématiques,
qui remportaient du succès mais servaient aussi dans mon dos à recruter de plus
en plus de personnes pour les rituels et le festival. Le groupe causa ma
rupture avec un compagnon que j’avais rencontré il y a peu, et qui était trop
critique ; notre histoire était sans avenir, mais j’aurais préféré rompre
de moi-même… 💔
Comme si cela ne suffisait pas, le
PC voulait monter une association, ce qui était une bonne idée pour structurer
le groupe et organiser le festival. Mais il exposa, après une attente car il
savait qu’on ne serait pas tous d’accord, un but bien plus complexe et
infaisable : fédérer tous les groupes païens de France, sous une forme de
clans liés par des valeurs communes, avec un festival commun à Beltaine, tout
un tas de statuts selon les clans et les personnes qui rappelait furieusement
la Franc-Maçonnerie, une structure initiatique cachée par la façade
associative, et j’en passe… Je m’en souviendrais toute ma vie de cette réunion
hallucinante dans une sublime yourte… Une de ses demandes délirantes était de
couper tous les ponts avec les personnes parties, le dernier bouc-émissaire en
date étant un ami du premier couple, traité de tous les noms après son départ !
Un dernier signal inquiétant pour la
route, avant d’attaquer la chute finale : le « contenu
théologique » des rituels, des discussions et des réunions. Au départ, le PC
et le groupe en général avaient un grand intérêt pour les traditions
populaires, folkloriques, ethniques, de France et d’Europe, évoquant le Paganisme. J’ai toujours trouvé ce sujet passionnant et c’est cela qui me fit
m’intéresser aux pratiques bretonnes familiales du côté de ma mère. Mais
l’égocentrisme du PC l’amena à imposer peu à peu une lubie qu’il poursuivait depuis
son adolescence : reconstruire une très hypothétique religion
indo-européenne, en y réinventant des Divinités sous forme d'archétypes. D'après plusieurs témoignages, de personnes déjà parties et d'autres qui l'ont suivi jusqu'au bout, il écrivit des milliers de pages sur sa religion inventée, ses rituels, ses mythes, ses divinités inventées elles aussi (bonjour l'hybris). 😳 Sa critique des religions monothéistes, que je partage dans le
fond, devenait de plus en plus envahissante, sans oublier sa détestation des
enfants et des animaux de compagnie…
UNE RUPTURE PRÉCIPITÉE
La chute ne prit que quelques mois,
qui me laissèrent désillusionné et dans un grand désarroi spirituel, que je
comblais en me lançant dans ma thèse. La première étape fut le second festival
de Beltaine, révélateur et épuisant pour la plupart des participant-e-s. Le PC,
grand voyageur et connaisseur des cultures locales, avait invité un émissaire
d’un roi Yoruba pratiquant le Vaudou du Bénin. 🌍 Cet invité cultivé, charmant et
réservé, nous combla d’attentions et de cadeaux magiques, il nous parla
longuement de sa culture et sa religion natives dans des conférences et
événements artistiques, qui restent gravés dans ma mémoire. Il fut invité à ce
festival de Beltaine, qu’il n’hésita pas à critiquer dans son discours de
remerciement en plein festival, avec élégance : il nous reprochait d’être
trop focalisés sur l’aspect visuel, la comm, le recrutement de nouveaux
membres, tout en étant mal organisés, et trop marqués par le pouvoir personnel de
certains. D’autre part, la Reine de Mai posa un problème au PC car il aurait
voulu qu’elle soit incarnée indéfiniment par sa compagne, mais la compagne en question
n’était pas d’accord et proposa sa meilleure amie, qui avait le malheur d’avoir
de l’embonpoint (alors qu’elle n’était pas du tout laide, et que le but n’était
pas un concours de beauté) ; les commentaires grossophobes furent
nombreux… 😡
Le contenu des rituels et des
discussions, y compris des Cafés Païens que j’animais moins, devenait un mauvais
mélange des théories de Jung avec un paganisme indo-européen fantasmé. Ma mère
s’inquiétait de mon agitation mentale, et je lui confiais régulièrement mes
questionnements sur ce que devenait le groupe. L’architecture
associative-ésotérique ne tenait évidemment pas, le PC se permettait de
virer des membres trop critiques pour les remplacer par des tous jeunes
nouveaux-elles venu-e-s malléables et vaguement wiccans.
Je passais l’été éloigné du groupe,
car le premier cercle voyait bien que mon enthousiasme déclinait.
Arriva le dernier Samhain 💀 , encore plus sombre que tous les rituels précédents,
qui me causa un grand épuisement et une infection urinaire carabinée. Je
passais tout le rituel en ayant l’impression de me cogner à un mur, mes
énergies n’étant plus du tout en phase avec celles du groupe qui se délitait.
Plusieurs amis (que j’ai gardés) étaient partis, les ruptures
amicales-spirituelles-amoureuses s’enchaînaient, désormais tout tournait autour
du PC et de son cercle d’obligés. Sa compagne mit longtemps à rompre après de
multiples rebondissements…
Mon départ soudain fut une surprise, car il est vrai que je n’avais
confié mes doutes qu’à des personnes déjà parties. Le groupe me proposa
carrément une explication de mes soucis devant tout le monde – un rappel des
grandes heures du maoïsme – ce qui précipita la rupture définitive. Je reçus aussi de longs MP assez carabinés, du PC et d'autres, mélangeant psychologie de comptoir et « pressions spirituelles » déconnectées, plutôt amusantes qu'effrayantes. Je mis
quelques temps à enlever les profils, les forums et autres applis de
discussion, les groupes, les pages, bref toute cette organisation virtuelle
hautement chronophage et qui nous enfermait en plus des nombreux rituels,
réunions et discussions. Je n’ai définitivement rompu avec certains contacts
que l’an dernier…
C. G. JUNG PAÏEN ?
Je me permets un premier développement
sur la pensée de Jung, que le PC me fit découvrir, mais il ne nous donnait pas
de références précises pour approfondir alors qu’il s’en disait spécialiste.
Comme on peut s’en douter, c’est parce qu’il déformait la pensée jungienne pour
la « paganiser ». Pour une introduction à la vie et la pensée de
Jung, je recommande le récent ouvrage de Frédéric Lenoir Jung Un voyage vers
soi ; Jung lui-même a écrit Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées,
et la biographie de Deirdre Bair est toujours une référence ; Michel
Cazenave reste le spécialiste français. 📚
De ce que j’ai pu lire, Jung n’a jamais renié le Christianisme
(Protestantisme européen dans son cas) même s’il critiqua en profondeur les religions
monothéismes et le concept de Divinité unique. Sa vision qui se situe entre
panthéisme et déisme est assez proche de celle de Spinoza, ancrée dans les
libres-penseurs « non-athées » des XVIIIe et XIXe
s. Jung parle incessamment du Dieu unique mais moins du polythéisme, à part
l’hindouisme et le chamanisme ; il oppose volontiers les « religions
du Livre » aux traditions bouddhistes, Orient et Occident, de façon
classique, plutôt que de les opposer aux polythéismes. 🕇☯
La pensée de Jung traite longuement du rapport entre l’Humain et la
Nature, des Esprits, de l’inconscient, ou encore de l’Alchimie. À ce titre, il
est évident qu’elle influença profondément les nouvelles Spiritualités et le New
Age, donc le PC n’avait pas totalement tort dans son interprétation. Jung
insiste sur le besoin de religieux, de rites, de croyances qu’éprouve l’Humain,
même dans des régimes politiques « officiellement athées » ; il
insiste sur l’incompatibilité entre un Dieu unique et l’existence du Mal, qui
est le pire problème théologique des religions monothéistes. Je trouve
personnellement que Jung met trop à l’écart le Sexe comme force primordiale,
je donne raison à Freud sur ce point.
Un autre aspect de la pensée de Jung qui a beaucoup influencé les
nouvelles Spiritualités et la mode du coaching, nouveau métier lucratif du PC :
l’insistance sur Soi, former son âme, l’alchimie intérieure, donner un sens à
sa vie. Cela était assez peu développé dans le groupe païen, mis à part les
innombrables expériences géniales vécues par le PC, qui nous en parlait dès qu’il le
pouvait… 🧠 Jung insiste sur
différents langages nous permettant d’évoluer intérieurement : les
symboles, les archétypes, les mythes et les images. Cela est aisément
transposable aux paganismes, à ceci près que le PC avait la volonté de faire
cadrer à tout prix les archétypes aux différents panthéons antiques, pour
élaborer sa religion indo-européenne. Or si l’on prend l’exemple des
« Déesses de l’Amour » ❤ : Aphrodite est liée à l’Eau par sa
naissance, ce qui est moins le cas de la solaire Hathor qui est surtout liée à la Joie ; la Vénus romaine est souvent liée aux Victoires, à distinguer des déesses
orientales de l’Amour Ishtar et Inanna qui sont liées à la Guerre d’une façon
plus sanglante. On voit bien que caser tout cela dans un archétype
« féminin amoureux » est une négation des différences culturelles et
religieuses des panthéons, une utilisation abusive des paganismes, une vision
stéréotypée.
Le PC insistait sur les éléments jungiens se pratiquant en groupe,
notamment les rituels, plutôt que sur les éléments plus individuels comme les
rêves dont il parlait assez peu (enfin si, il parlait sans cesse des siens…)
Pour reprendre la terminologie jungienne, et faire un peu de psycho de bazar 😜 :
il s’est fabriqué une persona élaborée et écrasante qui occultait
son Moi véritable, n’a jamais réellement travaillé avec son Ombre, niait
totalement sa part féminine d’anima d'où probablement le côté très « concours masculin » du premier cercle. Le « réenchantement du Monde »,
la quête de sens dont il nous abreuvait, tout cela servait à réenchanter
le groupe et à donner du sens à sa vie à lui. 😕
LA DÉRIVE FINALE ; ANALYSE
Plusieurs mois après mon départ, suivi par les départs de nombreux-ses
nouveaux-elles qui n’étaient pas dupes, le PC lâché
par son premier cercle publia un texte délirant que j’ai conservé, révélant frontalement
nos pires inquiétudes. Tout d’abord, il officialisa l’existence de ce
« premier cercle », dont les membres se connaissaient depuis une
confrérie étudiante qui ne s'était pas très bien terminée. Puis il exposa son seul réel
intérêt : remonter cette confrérie en accentuant son côté ésotérique,
initiatique. Je ne suis pas contre cette idée, mais contre le manque
d’informations que nous avions reçu à ce sujet, et la rapidité forcée pour le réaliser.
Le PC mit en avant des valeurs qu’il ne respectait que peu : la pensée
multiple, le féminisme, l’écologie, l’altermondialisme. Comme de bien entendu,
il insista sur ses innombrables voyages enrichissants, son projet aux
multiples dimensions géniales allant changer l’Humanité, sa critique des
monothéismes, l’influence de la Franc-Maçonnerie que nous avions été plusieurs
à détecter…
Puis il tourna en dérision ses « adversaires », nous accusant
d’être « esclaves du Système », bourgeois capitalistes, peureux. Il s’imagina un véritable complot sur la base de nos inquiétudes à propos du
côté sombre des rituels, grossissant à l’extrême certaines blagues que nous
avions lancées pour lui faire comprendre sans le fâcher, même le premier cercle
fut accusé. Me concernant, être qualifié de bourgeois par un coach facturant plus
de 100€ une visio, vendant plusieurs milliers d’€ une formation non reconnue
par l’État, se vantant de ses connexions mondiales jusqu’à la Silicon Valley,
j’appelle cela un compliment et une belle façon de se qualifier lui-même. 💵 La
fin du texte n’est qu’un délire égocentré comme le début : sur le mode « Néron
abandonné devant Rome en flammes », il nous rappela in fine la
vision d’un monde païen qu’il aurait eue dans ses voyages, révélation qui
rappelle beaucoup tel prophète monothéiste… 👿
Ce discours inquiétant pose la question des dérives que j’ai pu constater.
À ma connaissance, personne n’a porté plainte, car il s’agissait d’un
glissement progressif et non d’une imposition brutale des règles. La
déstabilisation mentale est évidente étant donné le caractère spirituel du
groupe, les exigences matérielles (plutôt que financières) étaient assez
élevées, nous étions encouragés à une certaine volonté de rupture avec
l’environnement d’origine, mais il y avait peu d’atteintes physiques même si
les rituels pouvaient être éprouvants, un discours critique de la société mais
pas antisocial, une vague volonté de changer l’économie.
Les principales dérives du groupe concernaient les personnes : un langage
propre très élaboré, des modifications plutôt vestimentaires qu’alimentaires,
une certaine rupture avec la famille (ne serait-ce que les ruptures amoureuses)
et les autres milieux, un gros engagement envers le groupe reposant sur une critique
soutenue des autres groupes païens et religieux, un certain dévouement au PC et
au premier cercle, un esprit critique reposant en grande partie sur son enseignement,
lui qui avait réponse à toutes les interrogations, des atteintes psychiques,
parfois un manque de sommeil. Les dérives concernant les biens se composaient
avant tout des exigences financières et matérielles assez importantes et
récurrentes à chaque fête, une certaine obligation de s’offrir des cadeaux, des
dons. Le PC profita du groupe pour accroître considérablement sa clientèle et
inviter à ses multiples conférences, mais cela n’était pas une obligation.
CONCLUSION
En écrivant tout cela, mon regret principal est d’avoir été trop
enthousiaste trop vite, avoir participé trop rapidement à toutes ces réunions,
rencontres, conférences, au lieu de me concentrer sur l’aspect spirituel et
rituel. J’ai l’impression de m’être lancé bille-en-tête dans une
structure et un projet trop dissimulés, et qui ne pouvaient que déraper. J’ai
mis du temps à voir les signaux pourtant évidents dans les atteintes aux personnes, latents dès mon arrivée et peut-être
même dès la confrérie étudiante. J’ai certes vécu des rituels extraordinaires,
avec cette sensation d’être « au bon endroit au bon moment avec les bonnes
personnes et faisant les bonnes actions », mais cela est presque gâché par
les dissimulations du PC et du premier cercle, qui éclatèrent à la fin d’une
façon pour tout dire grotesque… 🤡 Démasquer un beau parleur est souvent décevant,
car on s’imagine quelqu’un d’exceptionnel même quand on ne l’apprécie plus,
alors que tout cela n’est qu’une façade rutilante masquant un vide existentiel
et des petits calculs.
Ces leçons de vie ne me vinrent qu’assez récemment, car le manque
spirituel provoqué par le fait que je ne participais plus aux rituels me jeta
presque aussitôt dans d’autres groupes que je quittais aussi par la suite, et
qui formeront les étapes 4 et 5 de mon parcours, plus courtes
et heureusement bien moins graves. 😊 J’ai aussi vécu plusieurs mois, divisés en 2 périodes, de
cauchemars parfois violents concernant le groupe, à tel point qu’avec d’autres
anciens membres, nous nous sommes demandé si on ne nous attaquait pas
psychiquement… 👹 Je reste très intéressé par les rituels, le partage des savoirs,
l’intérêt pour les paganismes anciens, la critique des monothéismes, la pensée
de Jung, l’ésotérisme initiatique ou pas. Je ne renie pas ces apports du PC, du
premier cercle et du groupe païen ; mais je condamne les méthodes
dissimulatrices, l’utilisation égocentrée et mercantile/matérielle de ces
pensées passionnantes.
Je termine par un coucou aux ami-e-s que j’ai gardé de cette époque
passionnante et agitée, à leurs nombreux animaux et à leurs petites familles.
Merci d’avance de votre lecture et de vos commentaires ! Alco 😘